LES NOMS DE BOUGIE
 


Bougie !... Drôle de nom pour une ville !...Pour notre ville !...Essayons d'apporter quelque éclairage sur ses appellations successives, au fil de son histoire tourmentée.

On ne sait rien, bien sûr, des dénominations éventuelles qu'utilisaient les peuplades préhistoriques dont on a retrouvé des traces d'implantation dans la vallée des singes, aux Aiguades et vers le Fort Clauzel.
Les Grecs, pourtant grands navigateurs, ne semblent pas s'y être installés, ne dépassant guère, au sud de la Méditerranée, les côtes de la Cyrénaïque vers l'ouest.
De même, on n'est pas sûr du nom utilisé par les Phéniciens. Ce furent les plus grands navigateurs de l'Antiquité, venus de l'actuel Liban en longeant les côtes de l'Afrique du nord. Ils pratiquaient le troc de marchandises sur des plages abritées. Peut-être que le nom Phénicien de Bougie était « Vaga » ou « Véga » comme le pensent certains ? On possède cependant des preuves de l'existence de Bougie en tant qu'escale maritime phénicienne, grâce à plusieurs vieux textes tels que le « périple d'Hannon » (6° siècle avant J.C.), le « périple de Scylax » (3° siècle avant J.C.), etc. …
Les Carthaginois y ont probablement créé un comptoir commercial, mais on en ignore le nom.
Rome, après avoir vaincu Carthage lors des guerres puniques, hérite de son empire. Les données historiques deviennent plus abondantes et plus sûres. Les romains baptisent notre ville « Saldae », c'est-à-dire « les Saldes ». Ce pluriel peut-être parce qu'il y avait là deux peuplades occupant les deux coteaux du vieux Bougie : Bridja et Moussa, séparés par le ravin de l'oued Chalal (ou des Cinq Fontaines). Ils y créent une colonie militaire constituée de vétérans de la VII° légion d'Auguste, ainsi qu'à Tubusuptu (Tiklat au sud d'El Kseur).
Au 6° siècle après J.C., les Vandales venus de l'Europe du nord par le détroit de Gibraltar, déferlent sur l'Afrique du nord. Il semble qu'ils ne se soient pas attardés à Bougie.
Les Byzantins, aux 6° et 7° siècles, héritiers des romains, n'y ont guère laissé de traces. Le nom de Bougie était probablement encore Saldae.
Les Arabes arrivent au 8° siècle par les Hauts-Plateaux. En ce qui concerne le nom de la ville, à cette époque, on doit choisir entre deux hypothèses : « Békaïa », mot arabe signifiant les survivants (sous-entendu de l'invasion arabe) ou bien « Aït V'ga » (les enfants de Véga en kabyle)mot qui par inversion, aurait donné « V'gaït », puis « Bgaït » ou « Bgayet », les kabyles ayant des difficultés à prononcer le « V » qu'ils prononcent « B ». Cette dénomination de Bgayet serait donc d'origine kabyle mais aussi fort ancienne.
Un épisode particulier surgit, au 12° siècle, avec le départ de l'émir hammadite En Nacer de la Kalaa des Béni Hammad (30 km au sud de Bordj-bou-Arréridj) pour Bayet ou Bédjaïa, sous la pression des tribus arabes des Hilaliens et des Zirides. Il transforme profondément la ville qu'il baptise, en toute modestie, de son propre nom, En Naceria !
Cependant, pendant ces époques de luttes confuses entre roitelets locaux et seigneurs arabes, les navigateurs et les marchands européens continuent à fréquenter la ville pour y commercer. Ils déforment son nom de Bgayet, difficile à prononcer, en Bugia, Buzia, Bugea, Bougia, Bouggiea, Buzana (d'où aurait été tiré le mot de « basane » pour désigner les cuirs de très bonne qualité qu'exportait cette ville en Europe).
En français, le nom de Bougye est attesté au 13° siècle et a donné Boudgie puis Bougie.
Une histoire longue et fort compliquée !
Yves BODEUR

paru dans notre bulletin de 2019

 


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